Stéphane Le Diraison ira chercher cet été sa qualification pour le Vendée Globe sur la Transat Québec-Saint Malo. Côté budget, s’il propose encore le nom de son bateau, il est aujourd’hui certain de pouvoir partir. A bord de son très bon bateau - l’ex Hugo Boss 2008 - il espère boucler le tour du monde en moins de 90 jours. Entretien.
Stéphane, la première question est toute simple : où en es-tu de ton projet Vendée Globe ?
«Côté préparation, nous avons fait un très bon chantier d’hiver. J’ai un excellent bateau : l’ex Hugo Boss, plan Finot-Conq qui fut le premier IMOCA a couvrir 500 milles en 24 heures, en 2008. Pour le grand public, c’est aussi celui qui avait servi à tourner les fameuses images d’Alex Thomson en costume, debout sur sa quille. Nous n’avons pas fait de modifications spectaculaires, mais on l’a entièrement remis en état, de fond en comble. Nous avons été raisonnables, car ce qui est tentant quand tu reprends un bateau comme ça, est de vouloir modifier à peu près tout : la quille, les puits de dérive, etc. Je sais que c’est un bon bateau, je m’en suis rendu compte notamment quand je l’ai ramené de Pologne cet hiver. J’ai fait un tour d’Europe pour le descendre jusqu’à La Ciotat. Et j’ai pris 45 nœuds de vent en Mer du Nord… »
Donc tu as préféré un « refit » complet à de grosses modifications ?
« Oui, on s’en est bien sorti, je trouve. Le bateau a un petit côté "vintage". Plus sérieusement, je me suis bien entouré. Par exemple, j’ai fait travailler le même ingénieur que celui qui avait conçu le mât. Le cabinet Conq m’a aidé également, on a réussi à faire un travail très propre et le bateau est opérationnel, tel qu’il l’était il y a 8 ans. J’ai fait le chantier chez un de mes partenaires, à La Ciotat. Et maintenant, nous sommes basés à Lorient. »
« Je ne suis pas candidat au désistement ! »
Tu n’as pas pu participer finalement à la Transat New York-Vendée. Pourquoi ?
« J’ai eu le bateau très tard. Nous avions un peu de marge, mais celle-ci a été mangée par des conditions météo très dures en Méditerranée - beaucoup de Mistral - qui nous ont fait perdre une dizaine de jours parce qu’on ne pouvait ni mâter le bateau, ni le tester. Du coup ce n’était plus jouable d’être dans des temps raisonnables et de bonnes conditions à New York. C’est pourquoi je vais faire la qualification en course qui m’est demandée en participant en solitaire à la Transat Québec-Saint Malo, en juillet. »
© Adrien FrançoisComment t’organises-tu pour cela ?
« Nous partons en convoyage dans quelques jours, depuis Lorient, en équipage réduit avec mon équipe technique. Nous allons à Saint-Pierre et Miquelon, car c’est à cette marque de parcours que je rejoindrai la flotte de la Transat Québec-Saint Malo, évidemment en accord avec la direction de cette course et celle du Vendée Globe. Je ferai donc la transat en solitaire, avec l’objectif prioritaire de franchir la ligne d’arrivée à Saint Malo. Evidemment, je ne prendrai pas de risques. C’est comme ça que je cocherai la dernière case de ma qualification pour le Vendée Globe. J’en profite d’ailleurs pour couper court à des rumeurs entendues sur les pontons : je ne suis absolument pas candidat au désistement ! Je suis dans la liste des 27 inscrits et je serai bien au départ des Sables d’Olonne en novembre, c’est une certitude ! »
Où en es-tu côté budget ?
« Je m’étais fixé un objectif de budget que j’ai atteint grâce à six partenaires, ce qui me permet de dire que je suis certain d’être au départ du Vendée Globe. Chemin faisant le budget a augmenté puisque j’ai investi, par exemple, dans le changement de l’intégralité des voiles. Je suis donc à la recherche d’un complément de financement qui me permettra de partir dans des meilleures conditions. Il me reste un atout majeur pour cela : pour le moment, aucun de mes partenaires n’a pris le nom du bateau. Je le propose pour la somme de 400 000 euros, ce qui me paraît très raisonnable pour un projet de cette envergure, clés en mains. Là je suis en phase de négociations pour faire aboutir cette démarche qui me permettrait de faire les choses de la meilleure des manières. Le nom peut être acheté soit par un des six partenaires que j’ai déjà soit par un nouveau sponsor intéressé par le rôle titre. »
Qui sont tes six partenaires actuels ?
« La Ville de Boulogne-Billancourt, où j’habite, qui me suit depuis cinq ans et qui a été à l’origine du projet ; le Bureau Véritas, qui est par ailleurs mon employeur (Stéphane y est ingénieur, responsable du département des énergies marines renouvelables) et m’accorde une disponibilité d’un an pour faire le Vendée Globe ; Ixblue, une entreprise d’électronique de pointe qui est aussi propriétaire du chantier où j’ai fait le refit du bateau et qui me fournit des capteurs très haute performance ; la Sade, une compagnie de traitement des eaux ; la branche immobilier de BNP Paribas ; et enfin le cabinet d’avocats Lafarge et associés, des gens passionnés et passionnants qui me suivaient déjà sur une de mes courses transatlantiques, en 2012. Ensemble, nous écrivons une belle histoire dont l’apothéose sera le Vendée Globe. »
Côté entraînements, comment es tu organisé?
« Je navigue deux à trois jours par semaine à Lorient, la ville dont je suis originaire. J’ai beaucoup navigué cet hiver, notamment avec le convoyage : j’ai déjà fait près de 7000 milles avec le bateau et quand on y ajoutera les deux transats – le convoyage aller et la Québec-Saint Malo, j’aurai près de 15 000 milles dans les pattes, ce qui n’est pas rien ! »
On connaît ton passé de course au large en Mini 6.50 puis en Class 40, mais d’où te vient cette passion qui te mène aujourd’hui vers le Vendée Globe ? Ce n’est pas forcément la question la plus facile…
« Ah si, c’est la question la plus facile pour moi ! Peut-être que ma formation d’ingénieur me pousse à être très logique, à raisonner étape après étape… mais pour moi c’est tout simplement une trajectoire de vie. D’abord et avant tout, je me sens bien en mer, sur un bateau, tout seul. J’ai commencé la navigation en solitaire très jeune, à l’âge de 15 ans. Mais pas en voile légère, je ne viens pas du sérail de la voile olympique. En fait, j’avais récupéré une épave sur une vasière, un petit bateau de 6 mètres. Mon père m’a appris à la réparer et grâce à ce petit bateau j’ai découvert ma passion et mon bonheur d’être en mer. Au début c’était très modeste, j’allais aux îles, pas loin. Puis au fur et à mesure j’ai revendu mes bateaux, en ai retapé des plus grands et mes croisières ont eu des destinations plus lointaines : le Portugal, l’Espagne, l’Angleterre… Avant mes années en Mini et en Class40, j’avais déjà fait beaucoup, beaucoup de milles en solitaire. Alors partir maintenant autour du monde sur le Vendée Globe, sur le plus long et le plus beau des parcours, c’est une suite logique. Le projet de ma vie.»
Propos recueillis par Bruno Ménard / M&M