15 Novembre 2012 - 16h31 • 3038 vues

Partager

Article

Célèbre présentateur météo sur TF1 et ancien routeur, Louis Bodin est aussi un passionné de voile. Pour vendeeglobe.org, il revient sur sa passion et parle de l’importance de la météo sur un Vendée Globe.

Louis BodinLouis Bodin, était-ce la première fois que vous veniez assister à un départ du Vendée Globe ?
Ah non, ce n’est pas la première fois du tout (rires). J’ai été quasiment à toutes les éditions, excepté peut-être la première. D’ailleurs j’y étais souvent très impliqué parce que, étant dans l’environnement d’Yves Parlier, j’étais sur le départ à préparer le bateau et avec son entourage. J’étais à la fois spectateur et intervenant.

Selon vous, le Vendée Globe est-il la plus grosse course de voile dans le monde ?
Complètement. Je pense que c’est aujourd’hui la course de voile la plus emblématique, celle qui véhicule encore les valeurs d’aventurier et qui transmet encore un peu l’héritage de tout ce que la voile apporte dans l’imaginaire, dans le roman, dans l’histoire du monde. C’est une aventure et une histoire incroyable dans laquelle un homme et un bateau partent seuls faire le tour du monde. C’est juste extraordinaire.

D’où vous vient cette passion pour la voile ?
Je crois que je suis un peu tombé dedans tout petit. J’ai eu la chance d’être élevé en bord de mer, que ce soit à côté de La Rochelle ou sur le bassin d’Arcachon. Ça a été une vraie chance, très jeune, pour moi. Ca s’est vite transformé en passion.

Auriez-vous aimé être skipper ?
Totalement. J’ai fait de la météo pour revenir dans ce milieu-là et j’y suis parvenu en grande partie. Après j’ai essayé d’acquérir des connaissances de navigateur, de marin. Mais malheureusement il en fallait aussi une troisième.

Laquelle ?
Il fallait être un peu chef d’entreprise et bon vendeur pour aller chercher des sponsors pour pouvoir un jour faire ce métier de manière professionnelle. Ça, je n’ai pas su le faire et c’est pour cette raison qu’à aucun moment je n’ai eu la chance de basculer dans ce monde-là, de façon pro, avec un bateau et un sponsor. Ça n’est pas passé très loin mais je n’ai pas réussi.  

 

« Il faut avoir une très grosse préparation »

 

Vous avez été routeur, notamment pour Florence Arthaud. Vous connaissez donc l’importance de la météo dans une course comme le Vendée Globe…
C’est clair qu’il faut avoir une très grosse préparation. J’ai fait ça très longtemps avec Yves Parlier qui, pour moi, est une référence en météo. Je le connais depuis 1985 et, durant toute la période où moi j’étais très proche de la course au large, il ne se passait pas une semaine ou un mois sans qu’on s’appelle pour parler d’une situation météo. J’ai pris cet exemple parce que je le connais bien mais ce que je veux vous faire comprendre, c’est que c’est vraiment très important pour les marins. C’est pour ça que tous les skippers font une préparation, soit avec un météorologue, soit avec un marin qui connait très bien la météo. C’est fondamental sur cette course-là.

Les aspects sportif et météorologique sont-ils indissociables ?
En effet, il y a très peu de chance de prétendre à une bonne place sur le Vendée si on n’est pas bien préparé au niveau météo. Si on n’est pas bien en phase avec tous les éléments, il y a peu de chances que l’on puisse la gagner ou espérer un bon résultat.

Quels sont les endroits clés au niveau de la météo pendant un Vendée ?
Avec l’expérience qui est la mienne, je dirais déjà le départ. Les premières 48h sont fondamentales, même si le Vendée 2008-2009 me fait un peu mentir puisque Michel Desjoyeaux était revenu puis reparti à la chasse. Ensuite, beaucoup parlent du Pot au Noir mais je pense qu’aujourd’hui, il n’est plus un handicap comme il a pu l’être il y a 20 ans. Quand j’ai commencé à faire de la voile et du routage, on ne connaissait pas bien ce passage-là, mais maintenant il ne réserve plus tant de surprises que ça. Les bateaux ont en plus une capacité de vitesse suffisante même dans les petits airs pour pouvoir se déhaler assez rapidement.

Il n’y a plus d’endroit décisif ?
Si ! L’anticyclone de Sainte-Hélène par exemple. Ça, c’est un gros sujet. Il faut savoir si on le coupe un peu, beaucoup, pas beaucoup. Quand on regarde l’histoire du Vendée Globe, on voit que c’est un moment primordial. On s’aperçoit qu’il y a ceux qui coupent juste au bon endroit et qui, du coup, gagnent du terrain par rapport à ceux qui prennent trop au large et qui par conséquent en perdent beaucoup. Après dans les mers du Sud, il faut avoir une bonne gestion des dépressions d’autant plus que là, il y a des portes (des glaces) à passer mais il y a moins de jeu, du moins au niveau de la météo. Ce n’est pas simple, il faut tricoter dans le bon sens mais ça, ils savent tous le faire. Enfin, il y a un dernier endroit très délicat c’est lorsqu’on remonte entre l’Argentine et le Brésil. On peut très bien perdre ou gagner un Vendée Globe sur cette partie-là parce qu’on s’aperçoit que les scénarii météo qu’on peut anticiper ne se passent pas forcément de la même manière. Là, c’est toute la science du marin, toute sa capacité d’adaptation alors qu’il est déjà un peu fatigué et que le bateau a déjà bien souffert, qui rentre en jeu.

L’anticyclone des Açores est aussi un facteur clé en cas de fin de course serrée…
Bien entendu que le contournement de l’anticyclone des Açores pour revenir sur les Sables est aussi un enjeu important. Les skippers peuvent couper en remontant le long de l’Afrique ou alors ils décident de faire le tour et c’est vrai que là, ça offre deux options assez radicales et le sprint final peut se lancer en cas de course serrée.

 

« Il s’agissait vraiment de survie au sens pur du terme »

 

Au fil des années, avez-vous vu les marins s’impliquer de plus en plus dans la météo, notamment grâce aux nouvelles technologies ?
Bien sûr, tout a évolué en même temps. Je me souviens des fichiers météo. Dans le grand Sud, il n’y en avait pas. Les images satellites n’étaient pas forcément d’une précision diabolique. Donc ils ont tout défriché avec malheureusement pour certains des conséquences dramatiques parce que les tempêtes qui arrivaient étaient plus ou moins bien prévues. A certains endroits, il s’agissait vraiment de survie au sens pur du terme. Je me souviens de VDH qui était parti avec son espèce de cigare, avec ses voiles à l’avant qui rentraient dans l’eau… C’était l’enfer ! Au fil des éditions, la météo s’est affinée et tous les éléments sont devenus de plus en plus précis et ça allait de pair avec l’expérience des marins qui était plus grande. 

Est-ce pour cette raison que le temps de course est de moins en moins long ?
C’est vrai que désormais on arrive à avoir une connaissance du plan d’eau, avec l’état de la mer et le vent sur l’eau qui permet d’aborder la course d’une façon un peu plus rapide et c’est pour cette raison que le record est régulièrement battu au fil des éditions. Ça sera probablement encore le cas cette année.


Arthur GUYARD