17 Novembre 2012 - 16h56 • 2346 vues

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Une semaine après le départ, les solitaires sont entrés pleinement dans le rythme de la course. Petit à petit, les leaders haussent le ton et mettent la pression sur leurs adversaires directs. La bataille stratégique ne reprendra qu’au passage du pot au noir. En attendant, c’est la capacité d’aller vite qui prime.

Tout droit, plein sud. Les stratèges peuvent partir en vacances, la consigne est claire. Devant les étraves des solitaires, le pot au noir commence à se profiler, mais ils ont encore deux à trois jours devant eux, avant de devoir jouer au chat et à la souris avec les calmes de la fameuse Zone de Convergence Intertropicale (ZCIT) chère aux météorologues. Le vent risquant de mollir progressivement par l’avant, chacun tente de tirer le meilleur parti de son bateau, histoire de ne pas perdre en chemin quelques milles qui pourraient se révéler précieux à l’heure du pot. Pas question de musarder  ; du même coup la guerre des ondes reprend ses droits. On marque psychologiquement l’adversaire en laissant entendre que l’on en a encore sous le pied et que les conditions sont particulièrement paisibles. Même si certains, tel Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) ou Vincent Riou (PRB), vendent la mèche, en décrivant le pont du bateau submergé régulièrement par les vagues. Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) a subtilisé le fauteuil de dauphin d’Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) à François Gabart (MACIF), mais l’écart entre les deux hommes est plus ténu qu’il n’y paraît. En effet, le navigateur suisse navigue plus à l’est et se trouve positionné plus près de l’orthodromie, la route directe vers Bonne Espérance. Mais le pot au noir imposera de s’éloigner de cette route dans l’ouest pour transpercer au plus vite les calmes et retrouver les alizés de l’hémisphère sud.

Galères et sinécures

D’autres ont des préoccupations beaucoup plus immédiates. Zbigniew Gutkowski (Energa), aux prises avec une défaillance de son pilote automatique, a effectué une figure libre, qualifiée d’empannage chinois. Cette manœuvre, rigoureusement involontaire, consiste à voir la bôme passer, au vent arrière, d’un bord sur l’autre avec violence, suite à un changement de cap inopiné du navire. Dans la foulée, le gennaker de Gutek s’est entortillé autour de son étai de foc et le navigateur polonais cherche une solution pour démêler le sac de nœuds sans perdre trop de temps et d’énergie. Peut-être devra-t-il, au final, faire comme Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) qui est allé chercher l’abri de l’île de Tenerife pour grimper dans son mât de manière à réparer sa drisse de grand-voile. Les deux ont au moins la satisfaction de savoir qu’ils sont encore en course. Pour la première fois, on a vu Sam Davies pleurer l’envol brisé de son Savéol quand Louis Burton (Bureau Vallée), s’il faisait bonne figure en passant à la vacation du PC Course à la Paris, avait lui aussi ce sentiment terrible d’une fête gâchée avant l’heure.

Pour les autres solitaires, l’entrée dans les alizés est particulièrement bien venue après une semaine agitée. Les températures oscillent entre 21° et 25° au plus fort de la journée et l’on sort les affaires pour tenter de faire sécher ce que l’on peut. Certains parlent de petit déjeuner en terrasse, de première douche depuis le départ, de repas fins tel Jean Le Cam qui, à bord de SynerCiel, ne se prive jamais d’envoyer un message à ses concurrents : vous avez choisi la nourriture lyophilisée ; pour une quinzaine de kilos de plus, j’ai des petits plats préparés avec amour. Il n’a pas forcément tort quand on sait à quel point les marins sont parfois de grands sentimentaux.

PFB