Au delà de la bagarre stratégique qui est engagée et dont on ne connaîtra l’issue que d’ici deux ou trois jours, les solitaires commencent à se préparer à basculer dans un autre univers. Celui des vents portants puissants, du bateau qui bondit de vague en vague, des couleurs indécises du grand Sud, des albatros. Entre impatience et appréhension d’aller titiller un univers où la nature reprend une grande part de ses droits, chacun se prépare selon ses rituels.
C’est une des caractéristiques de l’Atlantique Sud. Océan ouvert sur les latitudes extrêmes, les variations de températures entre zones tropicales et quarantièmes y sont brutales, sauvages. L’absence de continent au delà de la pointe de l’Afrique, qui est à une latitude équivalente de Gibraltar dans l’hémisphère nord, entraine une absence de compensation thermique qui fait qu’en quelques jours à peine, les concurrents du Vendée Globe passent de la tenue d’été aux couches de polaires qu’on enfile les unes par dessus les autres. De même, la houle qui fait le tour de l’Antarctique sans rencontrer un seul frein se répercute sur des latitudes nord puisqu’elle se fait sentir jusqu’à 35°S. La réputation des quarantièmes sud, qu’on appelle rugissants n’a rien à voir avec les latitudes de l ‘hémisphère nord. A ce qu’on sache, personne ne semble craindre de naviguer à la latitude de Lisbonne ou des Açores en plein été.
Vertus de l'expérience
Pour se préparer, chaque skipper a ses ruses et astuces. Les vieux routiers ont déjà établi leur protocole entre préparation du bateau, rangement, changement de tenues et nourriture de plus en plus roborative. Les bizuths doivent s’en remettre aux précieux conseils des anciens, tenir à jour des listes de tâches à faire pour ne pas se laisser surprendre. N’empêche ! Pour tous ceux qui aborderont ces latitudes pour la première fois, viendra forcément la crainte d’aborder un monde inconnu, même si c’est sur la pointe des pieds. Le grand sud ne se décrète pas, il s’apprivoise.
Au classement, pas de changement. Chacun reste sur ses positions. Alex Thomson (Hugo Boss) a le redoutable privilège d’être à la fois le premier représentant des sujets de sa Gracieuse Majesté et de mener la danse des bateaux « d’ancienne génération ». Amel Le Cléac’h (Banque Populaire) bataille pour garder sa place, même s’il perd quelques milles sur ses poursuivants. Le plus rapide depuis 24 heures est Javier Sanso (Acciona 100% Ecopowered) qui continue sa cavalcade vers l’avant. Pour lui, la plongée dans le grand sud peut encore attendre quelques heures.
PFB