C’est une Sam Davies toujours souriante que nous avons retrouvée hier au Nautic à Paris alors qu’elle participait à son premier live depuis le démâtage malheureux de son monocoque Savéol. Elle nous donne ses premières impressions sur son retour à terre, parle de son Vendée Globe et évoque son avenir.
Son état d’esprit
« Je suis contente d’avoir pu enfin ramener Savéol. J’espère ne plus jamais faire Madère - La France à moteur. C’était très long, je suis fatiguée et en plus j’ai un rhume. Je suis à la fois contente d’être là, mais triste aussi parce que j’aurais préféré être avec les autres en train de naviguer à 21 nœuds dans les mers du Sud. Je suis sûr que j’aurai une autre opportunité. Je suis positive, je commence à construire l’avenir dans ma tête. J’ai gagné deux mois pour l’année prochaine. Je peux aller faire du sport, m’entraîner et m’organiser avec l’équipe Savéol. On cherche des solutions pour financer le mât, pour construire l’avenir et estimer le timing pour remettre mon beau bateau à l’eau. Il y a beaucoup de choses à faire et je m’occupe de tout ça. »
Les leçons à tirer
« Evidemment c’est une déception, mais quand on regarde les statistiques, on sait que l’on n’arrive pas tous. Quand on part on ne sait pas ce qui va nous arriver. Je suis contente d’avoir pu ramener mon bateau parce que ce n’était pas facile de démâter avec tout ce vent et toute cette mer. Je ne suis pas blessée. On avait un projet qui s’est mis en route assez tard, au début de l’année. On a construit beaucoup de belles choses avec de nombreux partenaires, qui ont envie de continuer. Je ne considère pas ça uniquement comme un échec ou la fin d’une aventure, mais plutôt comme le début de quelque chose.
J’étais tellement contente d’avoir fini quatrième la dernière fois. Maintenant je réalise encore plus ce que ça représente et j’en suis d’autant plus fière. Ça me donne vraiment envie d’y retourner. Ce qui s’est passé est plus positif que négatif… »
Sa forme
« Dans l’immédiat, je me sens super fragile et faible parce que j’ai passé trois semaines à naviguer au moteur, sans mouliner. J’ai des jambes de poulet et je n’ai plus de voix non plus. Physiquement je suis un peu une épave. Mais je vais me remettre très vite.
Je suis invitée aux Étoiles du Sport la semaine prochaine (ndlr : à La Plagne du 15 au 21 décembre). Je vais rencontrer plein de sportifs français, ça va me rebooster. En plus, nous partageons beaucoup de choses entre les entraînements et la préparation physique. Je vais croiser des gens qui ont connu des hauts et des bas dans leur carrière, ça va être un bon moment. Parfois, il faut avoir des accidents pour devenir plus fort et pour rebondir. Ceux qui gèrent ça bien, reviennent toujours plus forts. Même si physiquement je ne me sens pas forte, je sais que cette expérience est très enrichissante. »
© Octavio Passos/Windreport/SaveolSon avenir
« Déjà 2013 sera une belle année avec notamment la Transat Jacques Vabre qui vient d’annoncer le parcours et que je trouve génial. J’adore le Brésil. De plus, en vue de préparer un Vendée Globe c’est un bon parcours puisque c’est un peu le même que pendant les trois premières semaines du Vendée Globe. Il y a aussi d’autres courses comme la Fastnet, chez moi en Angleterre, ou le Trophée Azimut. On a regardé ce qu’on pouvait faire avec le bateau. J’ai besoin de m’entraîner et de reprendre du physique aussi parce que cette année c’était un peu le rush. »
Les réparations sur Savéol
« Nous n’avons pas encore de date précise puisque nous devons d’abord mettre en place les financements. J’attends encore des réponses. Je sais qu’il y a beaucoup de partenaires derrière moi. Je n’ai pas de doute quant au fait que ça se mette en place. Mais comme nous n’avons pas encore tout confirmé, on ne peut pas passer la commande. Mais on prépare tout pour faire en sorte de lancer les réparations au plus vite. »
L’arrivée aux Sables
« C’était un choc, j’étais très étonnée. On a un peu la honte parce que l’on revient sans avoir fait le Vendée Globe ; et même sans avoir franchi l’équateur. Comme on dit en Angleterre, on rentre un peu la queue entre les jambes… Je n’ai rien fait de particulier donc c’est un mélange d’émotions. On voit tellement de gens présents, qui nous encouragent, ça fait chaud au cœur. D’abord tu as envie de pleurer, mais tu te dis non, les gens sont là parce que tu as réussi quelque chose quand même. Ils ont envie de te voir repartir. Ça te donne un boost au moral et ça t’enlève la honte d’être rentré sans avoir fini le Vendée. »
Les messages de soutien
« J’ai eu des messages très sympas. Je n’ai pas tout en tête tellement j’étais bouleversée par mon démâtage mais je me souviens d’un des premiers. C’est Dominique Wavre qui m’a appelée juste après, c’était super sympa. En plus, ça lui est déjà arrivé, donc il a su trouver les mots pour me soutenir, ça m’a fait du bien. J’ai eu d’autres messages de la part d’Alessandro (Di Benedetto), de Tanguy (de Lamotte), de François (Gabart) et aussi de Jérémie (Beyou). Lui, je l’ai eu très vite. Je lui avais envoyé un message après nos deux abandons pour lui dire que maintenant nous allions faire la course pour savoir lequel de nous deux allait arriver aux Sables en premier. Lui venait de plus loin mais avec un mât, et moi de moins loin mais sans mât. Et finalement nous sommes arrivés en même temps. J’ai des messages de skippers sans arrêt, je reste en contact avec mes potes… »
© Olivier Blanchet / SavéolL’échange avec Jérémie Beyou
« Avec Jérémie nous nous sommes dit « Third Time Lucky » (ndlr : la troisième fois sera la bonne). Nous avons chacun participé deux fois au Vendée Globe. Lui a abandonné les deux premières fois. La prochaine fois, nous serons là tous les deux et je pense qu’un de nous deux gagnera. C’est ce que l’on s’est dit. »
La course
« Maintenant je peux la suivre parce que quand j’étais sur le bateau, je n’avais que mon terminal satellite et je me suis interdit d’aller trop souvent sur internet. Je me suis juste permis de prendre les positions tous les jours. Maintenant que je suis à terre je vais suivre la course de beaucoup plus près. En plus cela fait un bon entraînement parce que je prends les fichiers météo, je fais des routages et des stratégies comme si j’étais encore en course. »
Les performances
« C’est incroyable, je trouve ça génial. Bravo à eux. Les nouveaux bateaux sont très performants, ce sont des fusées mais ce n’est pas que ça. Les skippers et les équipes y sont pour beaucoup. Ils ont préparé ça pour pouvoir pousser ces bateaux à ces vitesses là. C’est un tout, c’est beau à voir. Quelle réussite ! J’ai hâte d’aller aussi vite la prochaine fois. »
Un favori ?
« J’ai mon coup de cœur. Je représente le drapeau anglais et je l’ai toujours dit, c’est Alex Thomson. Dès le début j’avais dit qu’il pouvait créer la surprise. Et là, je le vois. Il n’a pas un bateau tout neuf donc il souffre un petit peu. Mais il est bien placé et il navigue très bien. Bien sûr il reste toujours Alex Thomson, mais il s’est un peu calmé. C’est mon coup de cœur. Je ne dis pas qu’il va gagner mais je suis fan. »
Romain Delaume