Découvrez les principales déclarations du live de mercredi avec Bernard Stamm, François Gabart, Mike Golding et Sylvain Marconnet, marqué par la disqualification du skipper de Cheminées Poujoulat.
Bernard Stamm (SUI, Cheminées Poujoulat)
Comme vous pouvez le penser, ça pourrait aller mieux. J’ai le droit de demander la réouverture du dossier donc c’est ce que je vais faire, je pense toujours avoir agi dans l’esprit de la course. Je pense que le Jury n’a pas tenu compte du contexte, j’ai agi pour la sécurité de mon bateau.
Le bateau russe Professor Khromov est arrivé dans la nuit, alors que j’étais déjà au mouillage. Je l’ai vu par hasard au lever du jour, il ne faisait pas beau avec du brouillard et peu de visibilité. Assez rapidement mon ancre a commencé à chasser et comme il était sous mon vent et très proche, il y avait un risque qu’on entre en collision. Tout s’est passé très vite, je n’ai pas pensé au règlement. J’ai pensé à ce bateau comme à une ancre, je n’en avais pas d’autre, les fonds sont couverts d’algues là-bas et mon ancre glissait dessus. Il fallait trouver un endroit solide... ou bien repartir en mer mais je n’avais pas fini mes réparations sur mes hydrogénérateurs et n’avais aucune réserve électrique.
Je pense que le Vendée Globe et l’IMOCA ont besoin que les bateaux reviennent, qu’ils ne finissent pas sur les cailloux.
Je vais demander la réouverture du dossier en essayant de faire comprendre ce qu’il s’est passé. C’est sûr que si on lit brut de pomme le règlement, je n’ai pas à m’amarrer à un bateau, mais pour moi c’était simplement une ancre. Quand j’ai vu que mon ancre chassait, j’ai pris la VHF pour prévenir l’autre bateau que j’allais essayer de venir à son contact. Ce sont eux qui m’ont proposé de m’amarrer sur eux, moi je courrais partout dans le bateau pour tout rallumer. Quand je suis ressorti, il y avait quelqu’un à bord en train de remonter l’ancre. Je n’ai même pas eu le temps de penser à lui dire de descendre de mon bateau, surtout qu’on risquait de continuer à descendre la pente. J’ai fini de remonter l’ancre tandis qu’il a passé le bout à son bateau. N’importe quel marin dans le monde entier aurait fait ce qu’il a fait, et ça s’est passé tellement vite que je n’ai pas réfléchi à ce que disait le règlement. Peut-être que le commandant du Professor Khromov pourrait témoigner mais je ne suis pas sûr qu’il apporterait des éléments nouveaux car il ne fera que redire ce qu’il s’est passé.
Je suis au milieu du Pacifique Sud donc m’arrêter là ce serait compliqué... Et si vraiment ça ne se passe pas bien, il faut reconnaître qu’on n’aura pas attendu le Jury pour malmener notre projet sportif. Avec mes soucis d’hydrogénérateurs, on aura réussi à le faire tout seul, ce qui m’arrive n’a jamais amené un bateau en tête. Mais je veux mener à terme mon projet de faire mon tour du monde, et comme je suis aux antipodes il faut bien que je le finisse pour rentrer. Mais au-delà de ça, nous avions également monté un projet scientifique et rien ne m’empêche de le mener à bien.
François Gabart (FRA, MACIF)
Ça va super, je suis content d’être arrivé dans l’Atlantique après avoir passé le cap Horn. C’est symbolique mais je suis très content de l’avoir passé en tête, ce n’est que du bonheur. La première fois ça fait forcément quelque chose, j’espère que les prochaines seront toujours aussi fortes. On vit de bons moments dans les mers du Sud, mais on en passe aussi des difficiles. C’est une bonne chose quand ça s’arrête.
Je n’avais pas vu un seul bout de terre depuis le cap Finisterre. Je suis passé à 2,5 milles du cap Horn et bien qu’au début je ne le voyais pas du tout, j’ai fini par apercevoir un bout de terre à l’étrave, quand la nuit est tombée.
Mike Golding (GBR, Gamesa)
Le Vendée Globe est LA course ultime en solitaire. Nous devons en accepter les règles et l'absence d'assistance nous oblige à une totale autonomie.
Je comprends le processus derrière la décision. Les règles sont les règles, etc. Mais quand vous connaissez l'histoire de Bernard et la situation dans laquelle il est, avec une grande partie du Pacifique Sud à parcourir, puis le cap Horn et la menace des icebergs, ça parait très injuste. Ça semble ne pas être une bonne décision. Mais comme je l'ai dit, les règles sont claires et malheureusement avec les informations que j'ai, il semble que ces règles ont été violées par inadvertance. Et c'est, je pense, un point considérable : par inadvertance. Je suis vraiment réservé sur cette décision, elle ne me semble pas correcte et je suis vraiment, vraiment très triste pour Bernard. J'espère qu'il pourra faire appel et rester en course.
La course pour les leaders, c'est d'être leader, mais pour une majeure partie de la flotte - dont moi - cette course c'est d'abord l'atmosphère du départ, de l'arrivée et la fantastique aventure qu'il y a entre les deux. Les classements, les positions sont bien sûr des choses que vous suivez avec intérêt, ça vous oblige à continuer de pousser le bateau, de vouloir rattraper ceux qui sont devant etc, mais ce n'est pas l'unique objectif du Vendée Globe. À son retour aux Sables d'Olonne, je suis sûr que Bernard sera accueilli comme tous les autres bateaux, peut-être même plus. Bernard est un skipper très populaire, et un homme adorable, il a travaillé si dur pour ce projet. Toutes les personnes qui l'ont accompagné dans cette aventure et toutes les personnes qui le suivent vont être véritablement déçues par ce qui va leur sembler être une décision sans cœur.
Sylvain Marconnet (ancien international de rugby français)
C’est passionnant, Armel Le Cléac’h et François Gabart se livrent un duel dans une boîte à chaussures. Et les vidéos quotidiennes sont vraiment super, elles permettent aux gens comme moi qui ne suis pas nécessairement voileux de s’intéresser et de se prendre au jeu de cette aventure.
En rugby aussi il y a parfois des décisions cruelles, mais le règlement est le règlement et j’ai peur pour Bernard que ce soit difficilement défendable. Pour moi ça restera un héros, il aura fait son tour du monde en solitaire, il aura tout donné, c’est un marin avec tout le respect qu’on lui doit.
Alain Gautier (vainqueur en 1993 et consultant sécurité)
Le Jury international est composé de membres venant d’autres pays que la France, nommés par la Fédération Française de Voile. C’est un jury totalement indépendant de la direction de course et du reste de l’organisation. Leurs textes sont très clairs et dans le cas de Bernard, ils ne peuvent aller que dans ce sens-là. Malheureusement leurs décisions ne conviennent pas toujours, il y a souvent un sentiment d’injustice. Mais hélas c’est comme ça, le Jury est souverain. Comme dans tous les sports, c’est l’arbitre qui a raison.
Comme Mike Plant en 1989 dans l’île Campbell, qui s’était arrêté pour réparer. Des gens de l’île étaient venus l’aider pour sauver son bateau. Mike Plant s’était en quelque sorte auto-proclamé hors course et a continué sa course en arrivant aux Sables d’Olonne.
Bernard est un redoutable marin, il va se battre, j’espère qu’il va trouver des solutions mais il faudra malgré tout accepter la décision du Jury après cet « appel ». Les gens viendront l’acclamer de toute façon, ils viennent toujours accueillir les marins aux Sables : classés ou non classés, premiers ou derniers.