19 Octobre 2012 - 16h03 • 4324 vues

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Alors que les skippers du Vendée Globe s’amarrent à Port Olona, les pontons des Sables d’Olonne s’animent et prennent vie aux couleurs de la flotte. Du vert, du rouge, du bleu… Il est loin le temps des voiles blanches quittant le chenal comme une vague de nuages. La multiplication des sponsors et l’optimisation des techniques de décoration aidant, chaque bateau arbore désormais des voiles toutes plus colorées les unes que les autres et aux motifs les plus recherchés. Rencontre avec les « artistes du large ».

S’ils travaillent aussi pour les particuliers, les ateliers bretons de décoration de voiles ont l’avantage d’avoir des clients de choix : au gré des compétitions, les skippers ne cessent de modifier les peintures de leurs voilures afin d’incorporer d’éventuels nouveaux sponsors, ou encore le logo des partenaires majeurs d’une course. L’Atelier-sur-Mer, Écritures et StickerMan sont trois des entreprises références dans le domaine et travaillent depuis de nombreuses années sur les bateaux du Vendée Globe.

À la Trinité-sur-Mer, cela fait neuf ans que l’Atelier-sur-Mer existe. L’entreprise bretonne n’en est donc pas à son coup d’essai en matière de Vendée Globe puisque les voiles qu’elle a décorées ont fait le tour du monde dès sa création (ndlr : à partir de l’édition 2004-2005). Cette année, elle s’est occupée, entre autres, de Safran, Gamesa, Cheminées Poujoulat, AKENA Vérandas… et de Groupe Bel, avec sa fameuse vache rouge illuminant de son large sourire toute la grand-voile. Un motif qui a d’ailleurs nécessité beaucoup de travail, dû aux raccords entre la grand-voile et la voile d’avant. « Comme pour Cheminées Poujoulat, les voiles de Kito de Pavant ont demandé un travail spécifique, nous explique la gérante Isabelle Vigier. Il faut placer les voiles au plancher suivant les positions qu’elles ont une fois en place pour dessiner le motif qui débute sur une voile et vient mourir sur l’autre. On travaille avec des patrons-papiers puis on dessine à main levée et on repeint tout à la main, en prenant en compte les dégradés etc. »

Les voiles, de magnifiques panneaux publicitaires

Une technique à laquelle les ateliers se familiarisent puisque ce type de décoration, basée sur des liaisons entre différentes voiles, est de plus en plus fréquente. Les peintres sont de ce fait équipés en conséquence et tiennent à souligner l’aide que leur apportent les avancées techniques et informatiques. François Callens de chez StickerMan insiste d’ailleurs sur la nécessité de suivre les évolutions du sponsoring de la voile. Installé à Pluneret dans le Morbihan depuis 1983, notre homme a suivi le Vendée Globe depuis ses débuts : « Les partenaires se sont rendus compte que les voiles des bateaux de course sont de magnifiques panneaux publicitaires. Ils sont donc tous en recherche de motifs et couleurs reconnaissables. Il y a beaucoup moins de voiles blanches qu’auparavant, ce qui est quand même plus sympa au départ ». Le sponsor étant capital dans le monde de la voile, il est alors normal de lui accorder une place importante (et visible) sur les bateaux. Au point de surcharger les voiles, autant esthétiquement que sur la balance ?

Sur ce point, tous sont d’accord. Gwenaëlle Pinson - épouse du fondateur de la société Écritures, implantée à la Forêt-Fouesnant depuis 1987 - est formelle : « Tous les skippers souhaitent bien évidemment que le moins de poids possible soit ajouté. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous privilégions au maximum l’utilisation de peinture plutôt que de stickers. » Quant aux différentes techniques de peinture, chacun adapte son choix en fonction du type de décoration : rouleau, pinceau, pistolet… Si la peinture à la main est plus adaptée aux motifs complexes, le pistolet permet lui d’appliquer un voile plus léger pour la même capacité de couvrance. Mais le bilan est le même chez les trois experts, la différence de poids ajouté selon les techniques reste minime.

Le métier de peintre et décorateur de voile est par ailleurs inscrit dans une large boucle entre voileries (qui fournissent les plans d’implantations), fournisseurs (qui mettent les pochoirs à dispositions) et peintres-décorateurs. Et si leur rôle semble avant tout de privilégier les sponsors, les skippers y trouveraient peut-être aussi leur compte puisque depuis sa toute première édition, Écritures collabore avec de nombreux bateaux du Vendée Globe… et a souvent le tiercé gagnant. Reste donc à voir si, cette année aussi, les trois premiers à franchir la ligne d’arrivée auront été portés par des voiles passées sous le pinceau de la société bretonne.

Aurélia Mouraud