Jean Le Cam : « Un nouveau bateau, une nouvelle aventure »
PAROLES DE SKIPPER (33/40). Jean Le Cam et le Vendée Globe, c’est une histoire qui dure. Depuis sa toute première participation à l’épreuve en 2004-2005 lors de laquelle il bataille de bout en bout avec Vincent Riou qui lui souffle finalement la victoire pour sept minuscules petites heures au terme d’un périple de 87 jours, le Finistérien en a cumulé quatre autres et se prépare aujourd’hui à en ajouter un sixième. Mais plus que le nombre, ce qui frappe c’est avant tout la régularité dont il a toujours fait preuve malgré les innombrables aléas que réserve un tour du monde. En effet, hormis un abandon forcé dans l’édition 2008-2009 lors de laquelle, alors qu’il pointe en troisième position à 200 milles du fameux cap Horn, il chavire après avoir perdu son bulbe de quille, Jean a systématiquement terminé aux avant-postes (2e, 5e, 5e, 6e et 4e). Le skipper de Tout Commence en Finistère – Armor-lux a aussi écrit certaines des pages les plus incroyables de l’histoire de la course. La plus marquante, à date, est sans doute celle du sauvetage de Kévin Escoffier il y a quatre ans, au sud-ouest du cap de Bonne Espérance. Cette année, il repart avec une envie toujours intacte. Une nouveauté toutefois : il s’élance avec un nouvel IMOCA qu’il a voulu simple et à moindre coût. Un bateau à dérives avec lequel il compte démontrer qu’il est capable de tenir la dragée haute aux foilers.
Vendée Globe :
Tu t’apprêtes à repartir pour ton sixième Vendée Globe. L’envie est donc toujours intacte ?
Oui et pour une raison simple : un Vendée Globe ne ressemble pas à un autre et y aller avec un nouveau bateau, c’est forcément une nouvelle aventure. Ce que je viens chercher ? Le principe de l’aventure, c’est justement de ne pas savoir. Ce que je veux trouver, c’est forcément de l’émotion. J’espère néanmoins qu’il y en aura un peu moins que la dernière fois. Descendre en dessous des 80 jours pour faire le tour, c’est aussi quelque chose que j’aimerais bien mais l’idée première reste de finir. Les petits challenges que l’on se fixe, on ne les voit qu’à l’arrivée. Ce qui est intéressant, c’est le fait d’avoir un nouveau bateau. Avec Hubert, j’avais déjà fait trois tours du monde. J’étais allé jusqu’au bout en quelque sorte. Là, c’est donc un nouveau challenge. Une nouvelle histoire avec de nouveaux partenaires et de nouvelles personnes. Comme toujours, il y a le Vendée Globe lui-même et puis il y a toute la préparation et le côté technique, des choses qui moi, me passionnent.
Vendée Globe :
Un tour du monde reste un exercice exigeant. Comment encaisse-t-on le choc à 60 ans passés ?
Aujourd’hui, j’ai 65 ans. Le dernier coup, j’en avais 61. Ça ne change pas grand-chose dans l’échelle du temps. Un tour du monde, ce n’est pas un sprint mais une course de fond. Forcément, sur un sprint, l’âge influe beaucoup. Sur des courses plus longues, on va dire que le physique est moins prédominant. Ce qu’il faut, c’est aller vite au bon endroit. Et il faut durer dans le temps. La voile est un sport d’expérience. Je donne de l’espoir aux jeunes et aux moins jeunes ! (Rires) Il y a beaucoup de gens qui ont à peu près mon âge et qui me disent « toi, tu nous fais rester jeunes ! ». Quand on a la passion, ça marche tout le temps et l’engouement des gens te donne de l’énergie.
Vendée Globe :
Quels sont les principaux enseignements de tes cinq précédentes participations ?
Il faut toujours se dire que ça va mieux se passer que ce qu’on pense. Une des problématiques de l’être humain, c’est qu’il voit toujours le catastrophisme partout alors qu’au global, ça se passe toujours mieux que ce qu’on imagine. Chaque expérience a été particulière. La dernière, surtout. Une banalité : tant que tu n’as pas franchi la ligne, tu n’es pas arrivé ! (Rires)
Vendée Globe :
A l’heure de la révolution technologique des foils, tu as, de ton côté, fait le choix de construire un bateau neuf à dérives. Peux-tu en expliquer les raisons ?
Avec Éric Bellion, on fait un choix différent, celui de rester dans un schéma où l’homme maîtrise la machine et non l’inverse. C’est un choix qui rend les choses plus accessibles et donc moins couteuses, à la fois dans la fabrication et dans le fonctionnement. Il n’est pas nécessaire de rappeler que l’argent est un facteur de fermeture pour ceux qui n’en ont pas. Le but premier était donc clairement d’éviter de partir dans des délires financiers mais il y avait aussi l’idée de passer plus de temps sur l’eau que partout ailleurs. En ce sens, bateau plus simple veut dire moins de chantier et donc plus de temps de navigation même si, évidemment, en vue d’un tour du monde, on travaille beaucoup techniquement. La fiabilité reste le maître-mot. C’est l’objectif numéro un. Sur un exercice de ce type, à chaque fois, la première chose reste d’arriver. Il ne faut jamais l’oublier. Forcément, mieux vaut alors mettre tous les atouts de son côté pour y parvenir.
Vendée Globe :
Qu’est-ce qui, selon toi, fait ta force aujourd’hui ?
Mon expérience, forcément.
Vendée Globe :
Que redoutes-tu le plus ?
Le fait de heurter quelque chose ou de ne pas réussir à récupérer quelqu’un qui en a besoin.
Vendée Globe :
Quelle est la première image qui te vient en tête à l’évocation du Vendée Globe ?
L’arrivée de mon dernier. Ça a été un soulagement énorme car il a été très dur. La leçon, c’est qu’il faut toujours se souvenir du positif plutôt que du reste.
Vendée Globe :
Ton meilleur souvenir avec ce bateau ?
Le moment où j’arrive à Lorient à l’issue des qualifications pour le Vendée Globe. Un apaisement après ce que l’on peut appeler aujourd’hui un vrai parcours du combattant.
Vendée Globe :
Ton rêve le plus fou sur ce Vendée Globe ?
Finir sur le podium.
Vendée Globe :
Le marin qui t’inspire le plus ?
Il y en a plusieurs mais je vais dire Louis Duc. J’aime bien sa façon d’être et de s’exprimer. Il est sans détours et ça me plaît.
Vendée Globe :
Ce que tu fais quand tu ne fais pas de bateau ?
Généralement, je passe 90% de mon temps à faire de la préparation de bateau mais à mon retour du Vendée Globe, j’aimerais bien faire du golf pour me détendre et penser à autre chose.
Vendée Globe :
Le truc qui ne te quitte jamais, que tu emmènes en mer ?
Rien. Je n’aime pas le superflu.