04 Novembre 2020 - 16h48 • 17345 vues

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Édition après édition, les IMOCA affichent des progrès significatifs en termes de développement. La maîtrise des foils et l’exploitation de la data ont peut-être fait franchir aux monocoques une marche plus haute que d’habitude. Explications.

Les IMOCA de dernière génération visent clairement un temps record : « Entre 59 et 70 jours selon la météo », annonce Alex Thomson à une semaine du départ. Armel Le Cléac’h, vainqueur de la précédente édition, avait mis 74 jours pour boucler le tour de la planète ! Depuis le Vendée Globe 2016, la vitesse a encore augmenté d’un cran grâce à des innovations majeures concentrées dans trois domaines principaux : les foils, la data, la sécurité des skippers.

Des foils trois fois plus grands

© Pierre Bouras / L'Occitane

« L’évolution de taille, ce sont les foils, quatre ans après l’apparition de ces nouveaux appendices", explique Armel Le Cléac’h. Ils sont entrés dans les mœurs, mais leur surface a beaucoup évolué. C’est finalement logique, comme à chaque cycle de Vendée Globe : la vitesse augmente et tout progresse. Les pilotes, les capteurs, les cockpits fermés, tout est lié à la vitesse. Mais, avec ces vitesses vertigineuses, les bateaux rencontrent des chocs très violents ». Des foils dont certaines équipes en sont à leur 4e version qui permettent aux monocoques de « voler », du moins de se soulever au-dessus de l’eau dès 12 nœuds de vent. Depuis l’arrivée des foils sur l’édition 2016, la Classe IMOCA a innové également en autorisant le réglage de ces moustaches : « Nous avons autorisé une amplitude de 5°, ce qui est un changement majeur pour aller vite à toutes les allures du près, jusqu’au portant, ce qui n’était pas le cas avant », souligne Antoine Mermod, président de la Classe IMOCA.

 

Des capteurs à tous les étages

© Alex Thomson Racing

Sur tous les éléments qui subissent des efforts, des capteurs en fibre optique ont été installés pour transmettre des informations capitales au skipper. Sébastien Josse, skipper remplaçant de Nicolas Troussel (CORUM L’Epargne) l’explique clairement : « Le nerf de la guerre pour mettre le curseur au bon endroit et maintenir des vitesses élevées dans la durée, ce sont les informations transmises par les capteurs. Grâce à la fibre optique, le skipper connaît les charges dynamiques en instantané, les déformations d’une pièce. Rien n’est laissé au hasard, les équipes deviennent de plus en plus pointues. A bord des foilers, le Vendée Globe n’est plus une aventure, et le skipper devient un opérateur. » À bord de HUGO BOSS, 350 capteurs sont répartis sur le bateau, des safrans à la coque, en passant par le gréement et les foils. Sachant que des alarmes se déclenchent si les seuils sont atteints, le niveau sonore participe largement à l’inconfort à bord des IMOCA !

 

Des pilotes automatiques de haute voltige

La data a aussi permis de faire évoluer les pilotes. Depuis longtemps déjà, le skipper ne barre que très peu sur un tour du monde, mais un énorme  gap a été franchi sur cette édition 2020. Grâce aux capteurs, les pilotes automatiques comprennent les mouvements du bateau, détectent le tangage et le roulis. La vitesse des bateaux ayant considérablement augmenté, la manière de naviguer a changé : le pilote gère le cap en fonction du vent apparent et s’occupe de maintenir le bateau en vol, tandis que le skipper se concentre sur les réglages. Une nouvelle intelligence qui apporte un plus en termes de sécurité et de confort.

 

Des marins sécurisés

L’image du marin buriné va prendre un sacré coup. C’est le teint livide qu’il rentre désormais à terre. En effet, la place du skipper n’est plus à l’extérieur du bateau, mais enfermé à l’intérieur protégé des paquets de mer les yeux rivés sur ces écrans. « Alex Thomson est allé au bout du concept, en noyant la zone de vie et les manœuvres. On regarde les voiles et la mer sur écran grâce aux caméras embarquées. Il n’y a plus vraiment de sensations de vent et d’embruns. C’est assez perturbant tout de même ! » confie Yann Eliès, vainqueur de la dernière Transat Jacques Vabre avec Charlie Dalin sur APIVIA et 5e du Vendée Globe 2016.

Côté sécurité encore, plusieurs systèmes en développement sont embarqués pour limiter les rencontres avec les OFNIS ou les cétacés, causes de bien des casses et abandons. Oscar est un boîtier installé en tête de mât composé de trois caméras, dont deux thermiques, couplées à l’intelligence artificielle permettant de détecter jusqu’à 600 m un objet mesurant de 4 à 150 m. 18 IMOCA sur cette 9e édition du Vendée Globe en sont équipés.

Le système Pinger, répulsif à baleine, est quant à lui en cours de mise au point pour la course au large. Seuls 3 skippers ont équipé les quilles de leur bateau. Enfin, la communication à bord s’est encore améliorée avec des nouvelles antennes plus fiables et surtout permettant un meilleur débit. La relation avec la terre est donc plus aisée même si d’aucuns ne souhaitent pas en abuser pour s’immerger pleinement dans leur course et leur rapport avec la mer…

 

Le sommeil et la santé connectés

Parce que l’humain doit s’adapter aux nouvelles contraintes liées à la vitesse du bateau, le sommeil et la forme physique du skipper demeurent plus que jamais des gages de performance. Ainsi, Thomas Ruyant (LinkedOut), grâce à une ceinture connectée, va rassembler des datas en continu sur son état de forme (respiration, pouls) pendant la course. Le but étant de trouver une jauge qui indique son état de fatigue et la nécessité de récupération. Dans le même esprit, Alex Thomson utilisera des appareils et capteurs portables pour analyser en temps réel son état physique et mental. Objectif : l’aider à optimiser ses performances et ses capacités de prise de décision.

La rédac du Vendée Globe / Olivia Maincent