Dans un vent soutenu, sur une mer encore peu formée, les sept premiers concurrents du Vendée Globe - d'Alex Thomson (toujours leader malgré son avarie de foil) à Jérémie Beyou - profitent d'une bonne météo pour aligner de belles journées de glisse. Ils sont en effet en avant d'une dépression qui les propulse vers le cap de Bonne Espérance. Pour les poursuivants, la situation devrait se complexifier...
Malgré son avarie de foil, Alex Thomson reste aux commandes de la flotte, suivi d’Armel Le Cléac’h et Sébastien Josse. « Il y a un train à prendre donc je fais en sorte de ne pas le manquer. » Joint cet après-midi en vacation, Vincent Riou (4e) résumait parfaitement la situation dans laquelle se trouvent les poursuivants d’Alex Thomson. Armel Le Cléac’h, Sébastien Josse, Vincent Riou, Morgan Lagravière, Paul Meilhat et Jérémie Beyou filent à plus de 20 nœuds. Evidemment, à ces vitesses, la navigation devient stressante, accéder au sommeil devient très compliqué dans ces « boîtes » en carbone qui tapent dans un vacarme assourdissant. Mais les marins ne vont pas se plaindre d’aligner des journées à près de 500 milles.
La grande glissade vers Bonne Espérance va se poursuivre dans un flux de secteur Nord qui va monter à 25-30 nœuds. L’angle d’attaque est clairement favorable aux foilers. Vincent Riou et Paul Meilhat, respectivement 4e et 6e, poussent leurs machines mais ne peuvent suivre le rythme effréné imposé par le trio de tête. Actuellement 5e, Morgan Lagravière a pris l’ascendant sur Meilhat et revient fort sur Riou. Paul Meilhat croit toutefois en ses chances de recoller à moyen terme : « La zone d’exclusion antarctique est très Nord. On risque d’avoir des extensions d’anticyclone, qu’on appelle des dorsales, qui vont un peu bloquer la route. Le mieux serait que les premiers buttent dans l’une de ces dorsales et qu’on puisse recoller. »
Si les sept premiers devraient bénéficier d’un bon scénario, ce ne sera peut-être pas le cas des poursuivants. Une grande langue de petits airs devrait s’installer pour plusieurs jours et ce sera beaucoup plus compliqué. Dès dimanche midi, une bulle anticyclonique se forme dans la baie de Rio de Janeiro en se décalant vers le Nord- Est, pile sur la route... La césure pourrait se faire au niveau de Yann Eliès, à moins que le skipper de Quéguiner-Leucémie Espoir parvienne à passer entre les mailles du filet. Pour tous les autres, l’Atlantique Sud s’annonce complexe.
Ce soir, on note qu’il n’y a plus que six concurrents dans l’hémisphère Nord : Pieter Heerema (No Way Back), Alan Roura (La Fabrique), Enda O’Coineen (Kilcullent Voyager-Team Ireland), Sébastien Destremau (TechnoFirst-faceOcean), Didac Costa (One Planet One Ocean) et Tanguy de Lamotte (Initiatives-Cœur) qui ramène son bateau aux Sables d’Olonne et reste en course.
Ils ont dit :
Vincent Riou (PRB) :
« Je suis sur le bord du front, j’ai des nuages sur mon bâbord. Il y a un train à prendre donc je fais en sorte de ne pas le manquer. Je suis plutôt bien positionné pour garder le front. La mer est assez plate ce qui est parfait pour la glisse. On atteint les vitesses où ça commence à être un peu le bazar à bord. Nous attendons de savoir comment cela va se passer dans trois jours quand nous allons quitter le front, et si l’anticyclone bouchera un peu la route vers le cap de Bonne Espérance... »
Paul Meilhat (SMA) :
« En théorie, je devrais réussir à rester avec le paquet de tête en avant du front de la dépression. Mais ce n’est jamais pareil dans la vraie. La météo favorise ceux de devant. Plus on va vite et mieux ça se passe, donc la stratégie est d’aller vite ! Même si je suis déçu en ce moment d’aller moins vite que les foilers je ne regrette pas d’être parti avec mon bateau avec ses dérives droites. Si nous avions implanté des foils sur SMA, il m’aurait fallu du temps pour m’habituer au bateau, le fiabiliser. Sinon, dans quelques heures je vais battre mon record de durée de navigation en solitaire. Je le vis très bien ! J’essaye de me fixer des objectifs intermédiaires et le prochain est le cap de Bonne Espérance. »
Stéphane Le Diraison (Compagnie du Lit-Boulogne Billancourt) :
« Au début de course, j’ai eu du mal à trouver le bon rythme, je n’avais jamais fait de course en IMOCA, ni même d’entraînement à plusieurs bateaux. J’avais besoin de prendre la mesure de ce circuit. Chemin faisant, je me suis mis dans la course et j’ai récupéré le groupe avec qui j’ai envie de jouer. Le compétiteur que je suis a retrouvé satisfaction ! Je vis très bien la solitude. Je suis dans mon rythme de marathonien. Les jours commencent à défiler les uns après les autres. Je sais quel jour on est grâce aux vacations (rires). »
Nandor Fa (Spirit of Hungary) :
« Dans l’Atlantique Sud, il y aura un gros anticyclone pour le peloton, qui nous rendra la vie difficile. On verra ce que cela donne d’ici quelques jours. Je me satisfais de ma situation. Certes, il serait bien d’être devant, mais je fais de mon mieux... »
Olivier Bourbon / M&M