Alex Thomson est de nouveau très rapide et ne perd plus de terrain sur Armel Le Cléac’h, qui a couvert les deux-tiers du parcours. Mais le grand bénéficiaire de ces dernières heures est Jean-Pierre Dick qui a pris une centaine de milles d’avance sur le duo Yann Eliès/Jean Le Cam. Thomas Ruyant est en approche de la Nouvelle-Zélande. Pour lui, le moment est crucial.
Thomas Ruyant va-t-il réussir l’exploit de ramener son bateau brisé à bon port ? C’est l’enjeu de la matinée pour le skipper du Souffle du Nord pour le Projet Imagine, dont le bateau menace de se disloquer. Les quelques heures qui viennent sont cruciales et très tendues pour Thomas. Car s’il n’est qu’à 30 milles des côtes de Nouvelle-Zélande et 100 milles du port de Bluff, il n’y est pas encore… et, comme prévu, le vent et la mer se renforcent. Il y a déjà des rafales de plus de 40 nœuds de Nord sur zone et la remontée des fonds en approche des côtes ne va pas arranger le mauvais état de la mer. Thomas est en contact permanent avec la Direction de course. Son équipe technique dirigée par Laurent Bourguès a réussi à trouver un bateau des Coast Guards qui partira à sa rencontre dans la matinée. Il faut tenir d’ici là, dans un stress évident à bord d’un bateau qui menace de se disloquer à chaque instant. Mais jusqu’ici Thomas Ruyant gère parfaitement et fait sa route à vitesse correcte compte tenu de son avarie : 9 nœuds de moyenne cette nuit.
Sur l’autre bateau blessé de la flotte - à savoir Compagnie du Lit-Boulogne Billancourt de Stéphane Le Diraison – la déception est aussi cruelle mais la situation moins tendue. Il faut juste être (très) patient pour progresser vers Melbourne, en Australie, sous gréement de fortune. Stéphane a réussi à couvrir 110 milles depuis vingt-quatre heures et il lui en reste 740 à faire. A ce rythme, il pourrait être à l’abri entre Noël et le jour de l’an, autour du 27 décembre.
Le retour du grand blond
Côté compétition, plusieurs choses sont saillantes ce matin. D’abord Alex Thomson a stoppé l’hémorragie : le skipper de Hugo Boss est redevenu rapide et son écart au leader Armel Le Cléac’h se stabilise autour de 500 milles. Hugo Boss, sur une route un peu plus Sud que Banque Populaire VIII, fait donc un peu moins de route et les dernières simulations - à manier avec grande précaution ce n'est que de la théorie! - voient maintenant un retard au cap Horn compris entre un et deux jours (le 23 décembre pour Armel, le 24 ou le 25 pour Alex). Tous deux marchent de nouveau entre 19 et 20 nœuds ce matin. Armel Le Cléac’h a franchi une nouvelle barre symbolique, celle des deux-tiers du parcours du Vendée Globe dans le sillage : plus de 66% du tour du monde déjà couverts à la fin du 44e jour de course...
Mais le grand bénéficiaire de la nuit est Jean-Pierre Dick. L’air de ne pas y toucher, le grand blond est de retour. Dans des conditions idéales pour s’appuyer sur ses foils, le skipper de St-Michel-Virbac fait parler la poudre. Il a couvert la bagatelle de 460 milles ces dernières 24 heures et a réussi à prendre 110 milles d’avance sur Yann Eliès (Quéguiner-Leucémie Espoir) et 140 milles sur Jean Le Cam (Finistère Mer Vent). Remonté comme une pendule, Jean-Pierre Dick gagne du terrain aussi sur Paul Meilhat (SMA) et Jérémie Beyou (Maître CoQ) qui sont toujours en combat rapproché pour le podium virtuel : 8 milles d’écart en faveur de Paul ce matin. La journée va être très intéressante pour Jean-Pierre Dick, car Paul Meilhat et Jérémie Beyou devraient buter dès ce midi dans une zone de vents faibles, alors que lui continuera à progresser très rapidement dans un flux soutenu de Nord-Ouest. De quoi se rapprocher encore et relancer le suspense pour le podium. « Je bénéficie de conditions exceptionnelles devant le front, pourvu que ça dure ! » confirme Jean-Pierre à la vacation de la nuit.
Dans le reste de la flotte, Louis Burton (Bureau Vallée), Nandor Fa (Spirit of Hungary) et Conrad Colman (Foresight Natural Energy) ne sont pas dérangés par les voisins. Ils sont les marins les plus isolés, à respectivement 3400, 4100 et 4500 milles du leader. Le Hongrois Nandor Fa sera le prochain à faire son entrée dans l’océan Pacifique, qui n’est plus distant que d’une centaine de milles pour lui ce matin. Toujours 13e, Arnaud Boissières (La Mie Câline), lui, va devoir affaler sa grand voile pour changer la latte la plus haute qui s’est brisée. Derrière, un groupe de cinq bateaux est en approche de la longitude du cap Leeuwin, la pointe Sud-Ouest de l’Australie, avec dans l’ordre Fabrice Amedeo (Newrest-Matmut), Alan Roura (La Fabrique), Enda O’Coineen (Kilcullen-Team Ireland), Rich Wilson (Great American IV) et Eric Bellion (CommeUnSeulHomme). Enfin, les quatre derniers bateaux du classement remontent très clairement vers le Nord. Pieter Heerema (No Way Back, 19e) pour visiblement gérer une zone de transition, alors que Didac Costa (One Planet One Ocean), Romain Attanasio (Famille Mary-Etamine du Lys) et Sébastien Destremau (technoFirst-faceOcean) font clairement ce cap afin d’éviter le plus fort d’une dépression. « Pas du tout envie de me retrouver dans 50 nœuds de vent moyen et 60 dans les rafales » confirme Romain Attanasio. « Je vais monter jusqu’à 38° Sud alors que le plus fort de la dépression passe par 42°Sud. J’empannerai d’ici ce soir ».
Bruno Ménard / M&M