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Rodolphe Sepho, des îles au globe : la longue route

Le skipper de 36 ans, qui compte déjà deux participations à la Route du Rhum, poursuit patiemment son apprentissage du large. Un temps associé à Arnaud Boissières avec qui il a participé à la dernière Transat Jacques Vabre, il rêve avec humilité d’être le premier Guadeloupéen à disputer le Vendée Globe, conscient du travail qu'il lui reste à accomplir. 

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Rodolphe Sepho aime répéter que la voile s’est imposée à lui comme une évidence. Rodolphe a grandi à Goyave en Basse-Terre, et le fruit de la passion avait les couleurs d’un club de voile, Voile 44. « J’ai vu des bateaux avant des terrains de foot », s’amuse-t-il. Volubile et souriant, le Guadeloupéen charrie ses souvenirs d’enfance comme on regarde le rivage et revient sur le parcours classique d’un skipper en herbe : dériveur, Optimist, planche à voile, catamaran de sport… Les bords de l’eau ont valeur d’exutoire, le large celui du rêve.

Tous les quatre ans, la Route du Rhum fait marcher à plein régime l’imaginaire avec les intrépides venus de l’autre côté de l’Atlantique. La course est une fête populaire, un moment à part dans le cœur des Guadeloupéens. Rodolphe admire les marins locaux (Jimmy Dreux, Jean-Noël Victor, Claude Bistroquet) et une génération propre à inspirer, en citant spontanément Michel Desjoyeaux, Roland Jourdain.

« Culturellement, la mer rassemble nombre de douleurs »

À la différence de tous ceux qu’ils croisent désormais sur les pontons, le skipper a dû se battre pour en être et pas seulement pour les raisons qu’on croit. Car lors de ses premières années de régatier, ses proches – parents en tête – ne voulaient pas qu’il s’adonne à ce sport. Il y a derrière cette défiance le complexe rapport qu’entretiennent les Antillais à la mer, cet océan qui a été la voie de la déportation d’esclaves et qui explique ce besoin d’en tourner le dos pour se replier sur la terre. « Culturellement, la mer rassemble nombre de douleurs dans les familles », ajoute Rodolphe.

La voile sportive a ainsi eu du mal à se développer, malgré un cadre si propice. Son image de sport réservé aux expatriés, obligeant une certaine assise financière, ne l’a pas facilité non plus. Mais « ça évolue, ça bouge, ça change », sourit Rodolphe, visage heureux de ce développement aux perspectives si nombreuses.

Une ascension progressive vers le solitaire

Image retirée.C’est d’ailleurs son club de voile qui lui a permis d’accéder au rêve de large. En 2010, l’association acquiert un Pogo 40 et, soutenu par la région, s’élance à la Route du Rhum. Jimmy Dreux est le skipper, Rodolphe est de l’aventure. Le duo s’offre les joies de l’arrivée (37e) et le coskipper découvre le large, son immensité et son plaisir « indescriptible » lors des grandes glissades sous spi ainsi que « la sensation exceptionnelle de liberté ».

Rodolphe acquiert ensuite le bateau, s’illustre à la RORC Caribbean (4e en 2013), dispute à nouveau la Route du Rhum (26e, 2014), apprend en multipliant les navigations avec Aymeric Chappelier ou encore Kito de Pavant. Ensuite, il achète le FS40 de Jörg Riechers et Pierre Brasseur, intègre le Pôle Vendée Course et retrouve le ‘Rhum’ (20e en 2018).

C’est en préparant la transatlantique qu’il apprend à découvrir Arnaud Boissières. ‘Cali’ l’accueille à son chantier, lui donne des conseils techniques, l’aiguille vers des sponsors… « Il a toujours un regard bienveillant et l’envie d’aider », sourit Rodolphe. Au détour d’une discussion, « autour d’une bière » s’amuse Rodolphe, Arnaud l’encourage à « racheter son bateau à l’issue du dernier Vendée Globe ».

Une « approche différente » vers le Vendée Globe

Cette aventure-là, Rodolphe en rêve, parle d’un « but ultime » dans son parcours. Mais il ne souhaite pas que l’envie d’y croire lui brûle les ailes et lui fasse négliger les étapes qu’il reste à parcourir. Le marin aime se dire « prudent », se donner « un maximum de moyens d’y arriver », même s’il sait la difficulté de faire partie des chanceux au départ, en novembre 2024. Alors, le Guadeloupéen avance pas à pas, évite l’enthousiasme démesuré et se bat pour ne pas donner l’impression qu’il s’y voit déjà. « J’ai envie que notre approche soit sensiblement différente que les autres skippers, confie-t-il. Avant d’annoncer en être, je préfère m’attacher à cocher toutes les cases ».

Parmi ces « cases », il y avait l’acquisition de l’IMOCA et ce sera La Mie Câline - Artisans Artipôle. Il y avait aussi la prise en main, qui est passée par la participation au Défi Azimut et la Transat Jacques-Vabre en bénéficiant des conseils avisés de ‘Cali’ (16e). « C’était un apprentissage accéléré, un formidable moyen pour connaître la façon dont fonctionne le bateau, comment il réagit et toutes ses petites astuces ». Arnaud, qui lui aussi prépare un retour au Vendée Globe, a pris « quasiment un rôle d’entraîneur » et laisse souvent la barre à son coéquipier du moment.

« La magie d’une traversée océanique »

Ainsi progresse Rodolphe patiemment, tout en s’offrant quelques symboles : premier Guadeloupéen à compter trois participations à la Route du Rhum, premier à boucler la Transat Jacques-Vabre, premier à franchir l’Équateur en course et en IMOCA. Forcément, il y a des attentes et une fierté à l’idée de représenter ce territoire ultramarin sur toutes les mers du globe. Éducateur, fer de lance de l’association ‘Rêve de large’, le skipper ne compte plus les visites auprès des jeunes pour sensibiliser à la « magie d’une traversée océanique » et expliquer que la mer peut être aussi salutaire et contribuer à devenir un chemin de vie.

Image retirée.À terre, Rodolphe se bat pour eux mais aussi pour son sport, reconnaissant une « responsabilité à démocratiser ce sport, à pousser les jeunes à oser s’y mettre ». Quand Rodolphe parle - avec la chaleur du ton de sa voix et le plaisir de mener ses combats - pour les jeunes en rupture familiale, pour le développement de la voile et pour décrire ce qu’il ressent au large, il y a déjà un sens de l’humilité, du devoir et d’écoute qui sied si bien aux habitués du Vendée Globe. Par ses mots et son parcours, il coche déjà toutes les cases.

Par la rédaction du Vendée Globe / Antoine Grenapin

 


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