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Premières notes de frais

Alors que le gros de la flotte navigue encore en t-shirt et maillot de bain, les quinze premiers renouent un peu avec la fraîcheur tout en essayant de retrouver la leur. Des changements de température qui ne les empêchent pas de garder la tête froide, et de constater que, pour l'heure, « c’est un Vendée Globe à foilers, pour les foilers ! »

LE 27 NOVEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau La Mie Caline lors de la course à la voile du Vendée Globe le 27 novembre 2024. (Photo du skipper Arnaud Boissières)
LE 27 NOVEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau La Mie Caline lors de la course à la voile du Vendée Globe le 27 novembre 2024. (Photo du skipper Arnaud Boissières)

Est-ce que ça vous fait ça à vous aussi ? Pile au moment où on rafraîchit notre cartographie, on est désormais parcouru d’un petit frisson : à quelle vitesse encore va-t-on les retrouver, nos infatigables foilers qui n’ont décidément pas froid aux yeux ? Non décidément, on ne s’habitue pas à les voir cavaler autant, à commencer par Sébastien Simon (Groupe Dubreuil), le bouillant du moment, venu ravir en début de soirée la deuxième place à Thomas Ruyant (VULNERABLE). Pas de doute, il doit prendre un Dalin plaisir, lui qui en vingt heures, a rattrapé près de 40 milles sur le leader ! 

Des performances qui font siffler Romain Attanasio presqu’autant que les foils de son IMOCA Fortinet-Best Western, toujours en 15e position mais plus de 900 milles derrière la tête de flotte : 
 


On voit bien que malheureusement pour les bateaux à dérives c’est plus difficile, aujourd’hui les foilers sont intouchables en vitesse ! Et même moi, avec des petits foils, c’est impossible de tenir le rythme des premiers, ils vont tellement vite ! On a beaucoup dit il y a quatre ans « ouais, les foilers tout ça », mais il y a quatre ans, c’était un scénario totalement différent. Peut-être que ça va se reproduire dans la course, qu’à un moment ça va revenir par derrière, mais aujourd’hui ça part par devant comme ça le fait en général, et on voit bien que les vitesses sont dingo, et donc les écarts complètement fous ! C’est comme ça : c’est un Vendée Globe à foilers, pour les foilers !

Romain Attanasio
FORTINET - BEST WESTERN

Force est de constater qu’ils tiennent en tous cas la marée, à ce rythme déjanté. Cette nuit encore, les neuf premiers bateaux sont à plus de 22 nœuds de moyenne, et même si on commence à se répéter, il y a de quoi s’interroger. Franchement, comment font-ils, une fois rentrés à terre, pour ne pas trouver la vie tristement fade ? Bâillent-ils discrètement pendant les turbulences aériennes, espérant secrètement que le pilote n’indique pas de boucler sa ceinture ? Fréquentent-ils à leurs heures perdues les bordures d’autoroute par nostalgie auditive de leurs sensations du large ? Ou pire, s’offrent-ils en cachette après le déjeuner une entrée dans un parc d’attraction pour piquer sur le grand huit un petit roupillon ? Non vraiment, ça nous effraie : comment peuvent-ils apprécier notre compagnie, nous les tristes terriens qui avons déjà l’impression de vivre une épreuve quand notre tartine matinale retombe du mauvais côté ?
 

COURSE, 27 NOVEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau VULNERABLE skipper Thomas Ruyant (FRA) lors de la course à la voile du Vendée Globe le 27 novembre 2024. (Photo du skipper Thomas Ruyant)
COURSE, 27 NOVEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau VULNERABLE skipper Thomas Ruyant (FRA) lors de la course à la voile du Vendée Globe le 27 novembre 2024. (Photo du skipper Thomas Ruyant)

Intoxication alimentaire et « petit trou de souris »

En attendant, eux n’en ont plus de tartines. Car 18 jours en mer marquent une première limite : celle de la fin du « frais » dans l’avitaillement. Ainsi Sébastien Marsset (Foussier, 31e) montrait, dépité, son pain piqué de moisi, qui ferait baver de jalousie le plasticien Michel Blazy. Le marin nantais devrait s’associer à Thomas Ruyant, qui a certes encore quelques tranches de brioche, mais plus de confiture maison pour les agrémenter. Joueur, Romain Attanasio s’est même payé une intoxication alimentaire il y a 48 heures, mais promet « qu’il va bien mieux maintenant ». A-t-il trouvé le coupable ? « Je ne veux pas accuser à tort », nous répond-il, magnanime. 

Ragaillardi, le marin originaire des Hautes Alpes s’emploie désormais à trouver le « tout petit trou de souris dans lequel il va falloir se faufiler », lui qui est déjà « dans les derniers souffles » de la dépression qui l’a propulsé dans la bonne direction :


Il n’y a vraiment pas de marge, c’est pas évident : d’un côté il y a de la molle, de l’autre côté il y a le front. Je vais essayer de passer au milieu de tout ça sans me faire piéger, et à un moment je me ferai rattraper, il faudra empanner vers le Sud et puis rattraper le vent du Sud !

Romain Attanasio
FORTINET - BEST WESTERN

Devant lui d'ailleurs, les trois navigatrices Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 10e), Clarisse Crémer (L'Occitane en Provence, 11e), et Justine Mettraux (Teamwork - Team SNEF, 13e), ont déjà opéré le grand plongeon. S’il prévoit d’être à la longitude du Cap de Bonne Espérance dans six jours, le skipper de Fortinet – Best Western observe en tous cas déjà « un net rafraîchissement » dans la vie du bord : « Là je passe le nez dehors, je suis en t-shirt et pour la première fois, il fait un peu frais. Je crois que ça va être la première nuit où je vais fermer le sac de couchage et mettre une petite polaire ! »

« J'ai repris du poil de la bête »

Encore 700 milles derrière, Arnaud Boissières (La Mie Câline, 20e) n’en est pas encore là, mais il s’est donné une belle suée pour prendre la tête de son groupe. Car les foils ne font pas tout, encore faut-il aller au bon endroit, reconnaît celui qui a pris l’ascendant sur les premiers bateaux à dérives : 


Je suis plutôt en forme, j’ai repris du poil de la bête, je suis content du positionnement forcément ! Il y a quelques jours j’étais à vue avec Violette et Eric, je sentais pas trop l’Est sachant que l’anticyclone allait gonfler, donc j’ai tiré un peu la barre, j’étais un moment avec Benjamin et j’ai continué à tirer la barre, chercher la courbure que j’ai trouvé, et là ça se passe pas mal !

Arnaud Boissières
LA MIE CÂLINE

L'expérimenté marin ne s'échauffe toutefois pas, soulignant que « la suite est incertaine, on a deux jours de vent un peu irrégulier, avant du vent un peu plus fort avec des vitesses plus adaptées à nos bateaux. » Alors il en profite pour apprécier les conditions paradisiaques qui l'accompagnent dans cet Atlantique Sud. Est-ce qu'il y a des choses qui le surprennent encore, lui qui en est à son cinquième Vendée Globe ? 


Je touche du bois, j’en ai à bord, c’est relativement clément ! On navigue extrêmement groupés, j’ai croisé un paquet de bateaux depuis le départ, ça c’est chouette, c’est riche sportivement !

Arnaud Boissières
LA MIE CÂLINE

Car si bien sûr, l'addition est déjà salée par rapport aux premiers, lui est bien placé pour savoir que la partie est loin d'être achevée, et qu'il ne faut pas perdre de vue l'essentiel. Et sur sa longue route, il profite d'ailleurs de l'instant pour envoyer ses pensées à Jean Coadou, personnage emblématique du paysage de la course au large depuis plusieurs décennies, « dont j’ai appris la disparition, ce matin. C’était un président du jury extraordinaire, toujours à l’écoute, plein d’humilité, très sympa. Vraiment un mec bien comme on aime avoir dans les organisations de course, j’ai une pensée à sa famille, et je penserai bien à lui sur ce Vendée Globe. » 

 


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