18 Février 2019 - 10h56 • 6251 vues

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Si Bernard Gallay s’est présenté par deux fois au départ du Vendée Globe, c’est peut-être grâce à la rencontre qu’il fit un jour de Robin Knox-Johnston, le récent vainqueur du Golden Globe Challenge. Courtier en navires de plaisance, il poursuit aujourd’hui sur la même voie iodée.

Quand il s’est agi de convoyer le vénérable Suhaili aux Sables d’Olonne pour le départ de la Golden Globe race en juin 2018, Bernard Gallay n’a pas hésité une seconde à accompagner son ami Sir Robin Knox-Johnston. A bord du 32 pieds avec lequel le marin britannique, bientôt âgé de 80 ans, a bouclé en 1968-1969 le premier tour du monde en course sans escales, les deux marins ont partagé cette complicité qui les lie depuis des années.

« Même si Robin a vingt ans de plus que moi, nous sommes restés très proches. Il a été mon témoin de mariage », sourit Bernard Gallay. Car c’est une longue histoire que celui qui est devenu courtier en navires de plaisance entretient avec le charpenté marin britannique. Il s’en est fallu d’un rien, d’un copain rugbyman commun et d’une Transatlantique décidée à la volée.

« A l’époque, je ne connaissais rien au monde de la voile qui était beaucoup moins professionnel qu’aujourd’hui », souligne Bernard Gallay. « Robin avait besoin de quelqu’un pour rentrer des Etats-Unis. Il venait d’achever une course avec un équipage français et il n’avait personne pour revenir avec lui. Un ami du rugby m‘a présenté à lui. C’est au cours de ce convoyage avec Robin, que j’ai compris que la voile dessinerait mon avenir. »

« Le premier Vendée Globe, c’est un peu dur »

Et c’est ainsi que le marin franco-suisse, premier de sa patrie à disputer la course, inscrit son nom au Vendée Globe 1992-1993, expérience qu’il rééditera lors de l’édition 2000-2001. Classé hors course pour avoir fait deux escales à sa première tentative, il boucle néanmoins son tour du monde à bord de Vuarnet. Quand il achève sa circumnavigation à la huitième place, lors de son deuxième essai sur Voilà.fr, il se régale.

« Malheureusement, j’ai manqué de préparation pour ces tours du monde, trouvant mes sponsors très tardivement à chaque fois. Mais c’est sans regret ! »

Pour sa première course, il lui a fallu un certain temps avant de se débarrasser des oripeaux de la vie de terrien. « On n’a pas beaucoup d’occasions de vivre un Vendée Globe. Quand on l’a voulu et qu’on le réalise, la première tentative est un peu rude. Mais très vite, on entre en phase avec le fait d’être seul, d’être en mer et cela devient très exaltant. Surmonter seul les épreuves et les coups de blues est quelque chose d’extrêmement instructif. Car même si cela demeure une course, le Vendée Globe reste une aventure », note-t-il.

Les enseignements de Nigel Burgess

Après son premier Vendée Globe, Bernard Gallay n’a eu de cesse d’être au départ de compétitions aussi diverses que la Solitaire du Figaro, la Coupe de l’America ou la Mini-Transat. Profondément marqué par la disparition de Nigel Burgess, un des participants de l’édition de 1992 retrouvé noyé dans le golfe de Gascogne, il s’est finalement inspiré du navigateur britannique pour construire son parcours professionnel. 

« Nigel me montrait le chemin, lui qui avait monté une société de courtage de yachts encore florissante aujourd’hui. Je me suis dit que l’idée n’était peut être pas mauvaise. Cela me permettrait de ne pas dépendre d’un sponsor, de ne pas chercher tout l’hiver de quoi me financer. Plusieurs courses m’ont échappé car je ne trouvais pas de partenaire, c’était très frustrant… Je voulais une activité qui m’amène une satisfaction et qui me permette de construire pour l’avenir. » 

L’eau a coulé sous les ponts et les étraves depuis cette course de 1992 qui allait dessiner une vie dédiée à la voile… et au rugby, auquel il s’adonne toujours. « Dans un cas comme dans l’autre, l’adversité impose le respect. Dans la voile, un mauvais coup de vent nous ramène à une certaine modestie ; en rugby, lorsque l’on se fait plaquer durement, on se rend compte qu’il ne faut pas trop la ramener non plus… Que ce soit face aux éléments ou face à un adversaire, l’humilité est indispensable », explique simplement l’homme d’affaires.

Esprit toujours présent

Sa connaissance des bateaux de course et par extension, de tout ce qui navigue, allait lui permettre d’entrer de plain-pied dans son nouveau métier. Un nouveau siècle apparaissait, mais Bernard Gallay n’en avait pas fini avec la compétition.

Un autre rêve se dessinait, la Mini-Transat : « Après une première participation en 2005, j’ai souhaité revenir en 2009. J’avais même fait construire un bateau avec Sam Manuard (l’architecte du futur 60 pieds d’Armel Tripon). » Mais sa société prenant de l’ampleur (« en 2007, nous avions vendu le plus gros bateau qu’on n’ait jamais livré, puis un deuxième »), il finit par renoncer. 

Pourtant, ne demandez pas à Bernard Gallay de naviguer autrement qu’en course. « Il y a trois-quatre ans, avec Robin (Knox-Johnston), nous nous sommes inscrits à The Transat, qui partait de Newport », glisse-t-il, notant : « J’ai fait très peu de croisières dans ma vie, peut-être parce que je suis trop stressé à l’idée de prendre soin d’un équipage plus ou moins néophyte. … »

Et quand il regarde les skippers d’aujourd’hui se préparer et fourbir leurs machines pour le Vendée Globe 2020, il apprécie : « Je crois que l'esprit reste le même, même si les marins se sont adaptés aux nouvelles technologies, au monde moderne du sponsoring et à toute la communication un peu plus calibrée qui l'entoure. Mais c'est le propre du navigateur solitaire de savoir s'adapter... »