La navigatrice britannique Pip Hare vient d’acquérir son IMOCA, l’ex Superbigou de Bernard Stamm, mené par Alan Roura lors du dernier Vendée Globe. A son bord, elle compte bien participer à l’ensemble des IMOCA Globe Series, en commençant par la Bermudes 1000 Race, le 8 mai prochain.
A 45 ans, celle qui a découvert le solitaire depuis seulement 10 ans, affiche néanmoins un nombre respectable de milles au compteur. A son actif, des dizaines de milliers de milles sur un voilier de course-croisière de près de 40 pieds, deux Mini-Transat et une Transat Jacques-Vabre. Entretien avec une navigatrice déterminée à être au départ.
VG : Vous venez d’obtenir le soutien du port de Poole et un budget pour la saison 2019. Où en êtes-vous de votre préparation ?
PH : " Je ne dispose du bateau que depuis le mois de janvier et il n’est réellement navigable que depuis février. Le compte à rebours est enclenché pour la Bermudes 1000 Race, mais je reste confiante. Je n’ai pas beaucoup navigué jusque-là, 300 milles, mais je pense que mon vécu en navigation compensera ce manque. J’ai juste besoin de m’adapter techniquement à la taille du bateau et à ce que ça implique sur le plan des manœuvres. Il faut savoir anticiper. J’ai pu bénéficier de l’aide de Brian Thompson qui est venu à bord et je corresponds beaucoup avec Dee Caffari.
VG : Le Vendée Globe, c’est un rêve qui vient de loin ?
PH : C’est en lisant les livres d’Isabelle Autissier, quand j’avais 16 ou 17 ans, que l’envie m’est venue de participer à cette course. Le fait qu’hommes et femmes courent pratiquement à égalité, c’est tellement fascinant, c’est tout l’intérêt de cette course.
VG : Alors pourquoi maintenant ?
PH : Cela m’a pris du temps. J’ai toujours eu une approche progressive de ma carrière. Cela fait à peine plus de dix ans que je navigue en solitaire. Le Vendée Globe a toujours fait partie de mes projets, mais il fallait que je me sente prête. Je crois surtout que j’ai acquis suffisamment de maturité pour mesurer exactement les enjeux qu’implique la participation à cette épreuve. Certains peuvent avoir une vision romantique du tour du monde. Je veux être ancrée dans le réel.
VG : Et pourquoi avoir choisi Superbigou ?
PH : Je pense que c’est le bateau qu’il me faut. J’avais rencontré son propriétaire sur le circuit Mini et savais qu’il avait loué son bateau à Alan (Roura) pour le dernier Vendée Globe. J’ai donc eu l’idée de proposer un montage identique qui commencerait par la Barcelona World Race, mais la course a été annulée. C’est alors que j’ai compris que je n’aurais pas cette opportunité deux fois. Si je voulais faire le Vendée Globe, c’était maintenant. Je me suis dit que si je n’essayais pas, je le regretterais toute ma vie.
VG : Financièrement, où en êtes-vous ?
PH : Actuellement mon budget vient pour partie de mes fonds personnels et d’un peu de sponsoring. J’ai le soutien du port de Poole et de plusieurs entreprises locales. Cela va me permettre de boucler cette année et de mobiliser de nouveaux partenaires en vue du Vendée Globe. On devrait réunir cette année environ 500 000 €. Il faut y croire, sinon, on ne ferait rien, n’est-ce-pas ?
VG : Y-a-t-il des marins qui vous inspirent dans votre démarche ?
PH : Alan Roura, bien sûr. Ce qu’il a réalisé est fantastique. Je ne dis pas ça parce que je vais naviguer sur le même bateau que lui. Je sais d’où il vient et ce qu’il a fait pour être au départ avec le seul soutien de sa famille et de ses proches. Finalement, il a trouvé un partenaire et a pu prendre le départ. Tout part de lui, de sa passion. Après, quand je pense à ce qu’il a dû faire en mer, comme changer un safran par 25 nœuds de vent dans les mers du Sud, je me demande si je serais capable de faire ça.
VG : Vous pouvez nous dire un mot de votre parcours ?
PH : J’ai réellement commencé avec l’OSTAR en 2009, puis en 2010, le tour de Grande-Bretagne en double sur mon bateau, un Lighwave 395 qui était aussi ma maison. J’ai vécu à bord treize années durant et, pendant cinq ans, j’ai sillonné l’Atlantique du nord au sud, jusqu’en Patagonie. Ensuite, j’ai participé par deux fois à la Mini-Transat.
VG : Vous faites aussi beaucoup de trail, de courses d’endurance ?
PH : Entre la course d’endurance et la navigation en solitaire, beaucoup de paramètres se ressemblent. Mentalement, c’est le même niveau d’exigence. De m’être déjà confrontée à ce type d’épreuves me donne encore plus de force pour être au départ du Vendée Globe. C’est un énorme challenge. Déjà, je dois participer à toutes les courses des IMOCA Globe Series, ce sera mon meilleur entraînement.
VG : Un objectif ?
PH : Faire le grand tour. Et si possible, battre le record d’Ellen Mac Arthur de 94 jours. Alan Roura m’a dit que de son point de vue, c'est possible ".